28 mars, 2024

De la vraie nature d’un régime parlementaire…

L’exigence de la forme, un bon placement de long terme.

La France médusée découvre, à l’occasion de la saisine du Congrès par le Président Obama, la vraie nature d’un régime parlementaire. En effet, après le vote de la Chambre des Communes en Grande Bretagne, ce seront les « Congressmen » qui autoriseront ou non Obama à frapper la Syrie de Bachar el-Assad, en réponse à l’usage odieux de gaz de combat contre des populations civiles.

Le Parlement Français, lui, sera informé, il débattra, mais aujourd’hui, il ne devrait pas décider. L’engagement des forces appartient en effet au seul Président de la République, même si depuis la réforme de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy, préparée par Edouard Balladur et ratifiée par le Congrès à Versailles, l’adhésion de l’Assemblée Nationale est obligatoire au-delà de 3 mois d’engagement des forces, contre 6 mois précédemment où le Président exerçait un pouvoir strictement solitaire.

Les Français découvrent donc qu’il y a des pays, et non des moindres, les Etats Unis, la Grande Bretagne, l’Allemagne où les Parlements parlent au nom des peuples, y compris dans les grandes urgences. Serions-nous, en 2013 et pour l’éternité, la seule démocratie qui considère que seul le Président peut décider et que le Parlement doit se contenter d’entériner ultérieurement.

Je connais et j’ai pratiqué la Vème République comme parlementaire depuis longtemps. Par les livres et le témoignage des anciens, je crois comprendre les limites des IIIème et IVème Républiques.

C’est pourquoi, je fais partie de ceux qui estiment qu’un pouvoir trop dilué nous a, par exemple, interdit  en janvier 1936 de réagir contre la remilitarisation de la Rhénanie, ouvrant ainsi pour Hitler le chemin des surenchères sans autre limite que l’apocalypse mondiale. De même, un Président responsable sous la IVème aurait évité la double paralysie par les extrêmes, de la CED ou de la décolonisation Algérienne.

Mais heureusement depuis les temps ont changé. Le territoire français n’est plus menacé d’invasion et si nous intervenons hors de nos frontières c’est dans le cadre de règles juridiques qui se sont progressivement imposées dans l’ordre international : accords bilatéraux, comme nous en avons avec 15 pays d’Afrique, des Organisations Régionales confiées comme l’Europe et naturellement mises en œuvre des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies à l’origine desquelles nous sommes si souvent. En un mot, l’action des armes s’inscrit dans des règles de droit, longues et difficiles à mettre en œuvre. Les déceptions ne sont pas exclues. La paralysie politique internationale nous a frustrés de réponses pourtant évidentes. Mais en démocratie, le droit et donc la forme, oblige.

Certes, on peut songer à remettre en cause le droit de véto absolu des 5 pays fondateurs de l’ONU (Etats Unis, Grande Bretagne, France, Chine et Russie). A cet instant, tel est le souhait d’aucun grand pays. Il faut donc faire avec.

Lorsque le Président Hollande veut « punir » Bachar el-Assad, je le comprends. Mais s’il l’on veut construire un ordre public international respectable et respecté, il me parait indispensable :

  1. D’attendre les conclusions de l’enquête que la France, comme d’autres pays, ont voulue et soutenue
  2. Construire un processus politique de sortie de guerre pour la Syrie, fusse au prix d’un fédéralisme
  3. Ne frapper par les armes qu’au service d’un projet politique accepté par le Conseil de Sécurité et qui laisse espérer une solution équilibrée.

C’est impossible en l’espèce me dit-on avec tristesse. Si l’ennemi est la violence, ses alliés objectifs sont la Chine et la Russie, qu’il faut convaincre de ne pas accepter l’escalade de l’horreur comme seule réponse à la crise Syrienne. L’une et l’autre de ces grandes nations ont suffisamment d’intérêts croisés avec nous pour être en mesure d’accepter qu’un blocage total les desservirait en leur faisant porter une responsabilité lourde.

Que serait l’ordre public international si la Chine, la Russie ou tel « Grand émergent », fort d’un précédent dont nous aurions la responsabilité, déciderait unilatéralement de régler par la force un problème à ses frontières en faisant fi de l’ONU.

En tous les cas, la France, membre permanent, n’a pas à donner le signal de la désinvolture à l’égard des formes. La Syrie comme toutes les crises complexes demande une implication quotidienne pour aider à la construction d’une solution acceptable. Une tragédie comme l’arme chimique est un épisode cruel d’une guerre déjà ancienne, ou les atrocités de part et d’autre.

Il est vrai que les Parlementaires français n’exercent pas depuis le début de la crise  une pression forte sur le Gouvernement. Les débats en séance publique, en dépit des talents des ministres successifs Alain Juppé et Laurent Fabius, n’ont rassemblé que des effectifs squelettiques. Mais pourquoi Sénateurs et Députes s’impliqueraient-ils dans des débats préparatoires ou exploratoires dès lors qu’ils savent qu’en fin de compte, ils ne décideront pas.

Plus largement, c’est une illustration de la limite du débat institutionnel ouvert par le PS : Pour lui, les Parlementaires doivent être exclusifs dans leurs mandats et si possible « mono-actifs ». Pourtant ils n’auront pas plus de pouvoir et se partageront quelques miettes de responsabilités. Il est temps, et cette affaire Syrienne nous le rappelle, qu’après 55 ans de Parlementarisme très rationnalisé, de restituer aux élus du peuple leur part de fardeau. C’est la seule façon de faire respirer la République en donnant la parole à l’opinion qu’ils représentent entre deux rendez-vous présidentiels. C’est leur restituer aussi leur dignité Républicaine.

L’exécutif a les pleins pouvoirs dans le cadre de la loi ou de l’urgence nationale : Le territoire menacé, les accords ratifiés à respecter, les décisions internationales qui nous obligent.

Au-delà de ce trois cas le débat s’impose et le Parlement en est à la fois le lieu constitutionnel et le lieu vivant. Le vote exige de chaque Parlementaire à dépasser la posture pour exprimer au nom du peuple, au sein duquel il vit, sa conviction.

X