Je ne m’arrêterai pas sur l’incident ridicule des communiqués de presse incomplets qui témoignent de l’improvisation de l’action gouvernementale. Mon opposition repose sur trois arguments : le premier est l’ordre logique, avant de fixer une limite territoriale il faut préciser les compétences.
A compétences inchangées l’organisation régionale actuelle est à deux ou trois exceptions près, satisfaisante. En revanche, si demain une Région Française, comme un Land Allemand, gère l’enseignement en totalité, enseignants inclus, gère la Police et la Justice, la taille des Régions Françaises doit être reconsidérée, oui cela est vrai.
Le second est d’ordre pratique : la France dispose d’un vaste territoire et donc d’une faible densité de population. L’administration régionale ce sont des habitants mais aussi des kilomètres, des km², des structures urbaines, des territoires ruraux, les habitudes ne sont pas toujours rationnelles et la société civile, économique et sociale, n’obéit pas à la seule logique administrative. Les collectivités doivent en tenir compte. Quand deux entreprises fusionnent, des sites de production fusionnent ou disparaissent. Qui pense sérieusement faire disparaitre des universités, regrouper des lycées, bref diminuer l’offre de service public au profit de la métropole principale de la future Grande Région. Or, ce serait la condition des seules économies réelles. On revient donc au point précédent, quelles offres de service public pour quels territoires ?
Certes, il y a une complexité administrative Française, mais chacun sait coopérer utilement et sans double emploi dès lors que les compétences sont définies par la Loi et mises en œuvre sur le terrain par la coopération. Les revirements concernant la clause de compétence générale nous ont fait perdre un temps précieux. Derrière la complexité apparente il y a l’esprit de coopération : aux 36 000 communes affichées retenons la réalité de guère plus de 2 000 interco pour 64 millions de Français ! A l’esprit de clocher opposons la réalité de l’esprit de coopération : tous les TGV réalisés en France depuis l’exemple du TGV Est en 1998 ont été financé en partenariat. S’entendre entre territoires sur un projet phare est facile. C’est souvent l’Etat qui bloque, pas les oppositions locales. En témoigne l’abandon coupable par l’Etat de l’autoroute Grenoble-Gap de l’A51, pour des raisons nationales et partisanes, comme l’abandon du Canal Rhin-Rhône. Ces deux infrastructures étaient voulues localement et c’est Paris qui a bloqué.
Le Président Hollande oublie enfin l’essentiel : les Régions sont des personnalités historiques très fortes pour beaucoup d’entre elles, Bretagne, Auvergne, Lorraine ou Alsace, et bien d’autres. Décider qu’elles ne sont que des circonscriptions administratives, c’est mépriser la passion de leurs habitants, ou tout du moins celle des plus mobilisés d’entre eux. Ceux-là préfèrent un difficile engagement local plutôt que le succès aisé obtenu dans les zones en forte croissance, loin de leur base, en France ou à l’Etranger. Qu’ils veuillent réussir au pays est une force pour les territoires de France.
La France est ainsi faite, terrienne. Même si ailleurs c’est souvent plus facile. C’est pourtant ici que l’on veut réussir, qu’il s’agisse d’un festival de jazz dans le Gers, d’une vocation industrielle rénovée sur l’Arve, d’un musée à Rodez, d’une Smart en Moselle-Est. Que les fonctionnaires de l’Etat s’organisent selon le bon vouloir de Paris c’est le droit de l’Etat, sous le contrôle du Parlement. Mais pourquoi me priver de ma liberté d’être ce que je ressens être, dès lors que je m’adapte dans l’action en saisissant les possibles, sans revendiquer autre chose que de pouvoir fédérer ceux qui ont localement la même passion.
Cher François Hollande, la passion des Français pour leur territoire est une façon de renforcer une société à laquelle, hélas, le pouvoir politique ne sait plus proposer des projets fédérateurs. Pourquoi casser ce qui marche encore alors que vous ne gagnerez dans cette affaire pas le centième des Euros qu’il vous faut économiser au plan national.