5 octobre, 2024

En séance le 9 juillet 2013

Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi organique sur la TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (n° 723, 2012-2013).

M. Gérard Longuet . – J’espère que notre jeune collègue trouvera dans la vie parlementaire les satisfactions que j’y ai trouvées… Voyez-vous, j’aime le Parlement et la vie parlementaire ; je considère que les élus ne méritent pas l’injustice qui leur est faite.

Le Gouvernement, confronté, je le concède, à une situation impossible et accidentelle, a en quelque sorte transféré sur la classe politique les conséquences d’un choix que les hautes autorités de l’État n’auraient pas dû faire.

Ce texte mérite l’attention parce qu’il pose deux questions. La première, qui nous vient du droit anglo-saxon, est celle du conflit d’intérêts ; une préoccupation permanente dans le secteur privé où les banquiers expliquent dresser des murailles de Chine pour le prévenir. On peut s’interroger sur son application à la vie parlementaire et sa confusion avec la prise illégale d’intérêt, voire le trafic d’influence et la corruption. Vous avez dans la précipitation construit un monstre juridique, hélas dans la continuité des lois de 1988 et 1995, qui doit être regardé à la lumière de l’article 25 de la Constitution.

La deuxième, grave et sérieuse, c’est celle du statut professionnel des parlementaires. Des députés hors sol, élevés sous serre, vivant sous transfusion des partis, voilà le tableau qu’esquissait M. Lenoir avec humour. La force du Parlement, c’est sa diversité de personnalités, de professions, de carrières. Toutes ne se ressemblent pas, certains ont été médecins, avocats – les médailles de nos illustres prédécesseurs dans l’hémicycle en témoignent – d’autres se consacrent exclusivement à la vie politique.

Le Parlement n’a pas à recevoir des leçons de morale de l’extérieur. Quatre-vingt de nos membres ont refusé les pleins pouvoirs à Pétain, un seul magistrat a refusé de lui prêter serment… Alors, pourquoi cette Haute autorité ? Jacques Larcher, rapporteur de la loi de 1988 – loi que je n’ai pas votée si j’ai approuvé celle de 1989 – le disait déjà. Votre système est diabolique. L’Autorité, qui ne sera pas simple greffière, pourra interroger, apprécier, saisir le parquet des faiblesses, des oublis, des erreurs des élus mais aussi, c’est invraisemblables, de leurs proches. Et je ne parle pas des procédures, qui sont particulièrement choquantes.

 Cela est particulièrement choquant au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 : pas plus de droit de la défense que de séparation des pouvoirs. Les parlementaires seront sous une menace permanente, celle de la mise en accusation. Les électeurs pourront consulter les déclarations de patrimoine en préfecture agrémentées des appréciations de la Haute autorité. Celle-ci sera, comme les autres, peuplée, non de saints, mais d’hommes et de femmes avec leurs convictions et leurs passions. Je pense à un ancien secrétaire de la Commission pour la transparence financière, qui fut membre du Conseil d’État et quitta le Gouvernement à mon arrivée et au succès de son livre nourri de ses activités au sein de ladite commission… C’est la voie ouverte à l’organisation du conflit public, c’est donner des munitions à ceux qui font fortune sur le goût de nos compatriotes pour le chamboule-tout des institutions.

Les dispositions sur les incompatibilités parlementaires contreviennent aux articles 4 – liberté d’entreprendre – et 6 de la Déclaration des droits de l’homme, n’est-ce pas monsieur Zocchetto. Interdire à un parlementaire d’exercer une nouvelle activité est absurde et inconstitutionnel. M. About est entré à l’Assemblée nationale médecin et sorti du Sénat juriste. De quel droit l’en empêcher ? Mme Parisot a été présidente du Syntec ; le conseil est une activité honorable, qui emploie 150 000 salariés et contribue à notre balance commerciale. Ceux qui exercent cette activité sont-ils des pestiférés ? Cela doit rester de l’appréciation des Bureaux des assemblées. Sans quoi, vous appauvrirez la représentation de la population française.

La démonstration est la même sur l’exposition des proches : c’est contraire à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme qui traite de sûreté et de sécurité. Le débat se déplacera sur le patrimoine, et non les convictions politiques. On écartera de la vie publique locale des personnalités de talent qui ne voudront pas voir leur famille exposée à l’intérêt, aux moqueries, à la jalousie voire à la cruauté. J’ajoute que les sortants seront dans une situation d’inégalité avec leurs concurrents qui ne seront pas soumis, eux, aux obligations de déclaration.

La classe politique paie une faute qu’elle n’a pas commise. Veut-on laisser la vie politique aux seuls professionnels du sérail ? (Applaudissements à droite)

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