5 octobre, 2024

Jacques Dominati

imageDemain, Mercredi 28 septembre 2016
Messe à Sainte Clotilde à la mémoire de Jacques Dominati décédé début août à Ajaccio.

Parce que Jacques Dominati m’avait choisi comme collaborateur en janvier 1976, j’ai rapidement envisagé de suivre sa voie et je décidais d’essayer d’être à mon tour un homme libre, indépendant, travaillant pour ses convictions, un parlementaire comme il l’était depuis 10 ans quand je l’ai rencontré.

J’avais 30 ans et je croyais tout connaître, ce qui était en partie vrai. A son contact, je mesurais vite que certes je savais tout de mes livres mais que je ne comprenais rien en politique particulièrement, et qu’il me fallait donc, dans son sillage, assimiler ce qui distingue l’élu avisé du technocrate de bonne volonté.

Nous avions des bases communes : il était de droite, je l’étais tout autant. Il avait aimé l’idée de l’Algérie Française, moi aussi. Nous considérions l’un et l’autre que l’Empire Français n’avait pas été, tant s’en faut, une suite de malheurs, bien au contraire le plus souvent.

Avec Malraux et le RPF, il avait été Gaulliste à sa façon, avec beaucoup de respect mais aucune dépendance. Valéry Giscard d’Estaing avait épousé, dans sa courte période d’opposant « 66-69 », le projet auquel Jacques tenait tant, le statut municipal de Paris. Et pour Jacques, Valéry Giscard d’Estaing était un passeport pour la liberté, même s’ils leur étaient parfoisdifficile de se comprendre.

Mais Jacques n’a jamais manqué à ses engagements, ni en 74 lorsqu’il fallu organiser en quelques jours une candidature et une campagne présidentielle prometteuse dans l’opinion, mais bien faible en terme d’appareil, ni en 77 lorsqu’il lui fallu, à Jacques, soutenir une démarche à Paris bien trop audacieuse pour qu’elle puisse aboutir.
Secrétaire Général des Républicains Indépendants, à la demande de Michel Poniatowski et avec l’appui tactique d’Alain Griotteray, Jacques fit émerger une génération de jeunes parlementaires qui marqueront tous les trente années qui suivirent. A la manœuvre les « apparatchiks » que Jacques avait su rassembler, encourager et soutenir : Bernard Lehideux, Alain Madelin, François Léotard et votre serviteur.

Ainsi, la famille Républicaine libérale vit éclore en Mars 78 plus de 20 nouveaux députés de Jean-Claude Gaudin à Charles Millon en passant par Pascal Clément, François d’Aubert et naturellement Jacques Douffiagues. Cette génération porta la famille libérale jusqu’à l’unité affichée de l’UMP en 2002, soit durant 24 ans ! Jacques Dominati et Jean-Pierre Soisson en furent les organisateurs si Giscard, Poniatowski et d’Ornano en étaient les inspirateurs.

L’échec parisien de l’UDF en mars 1977 est à l’origine de ma carrière de député : directeur de cabinet du Ministre Dominati, je découvre le bonheur de la liberté, de l’autorité et grâce à Jacques de la camaraderie en politique. En 1978, je ne veux plus retourner dans l’ordre rigide et pesant du Corps Préfectoral, qui m’a cependant formé. Jacques me parle de Moselle, la terre de son épouse, de Haute Savoie où son ami Pianta cherche un successeur. Je choisis la Meuse, parce que détenue par la Gauche, l’investiture dans la circonscription me paraissait plus facile à obtenir d’autant qu’il n’y avait pas de candidat Giscardien local affirmé. Et Jacques me permis à la fois d’être disponible pour la campagne sur place, d’être soutenu à Paris et conseillé en toutes les circonstances de ce périlleux atterrissage.

Pour autant, je n’abandonnais pas le Cabinet. J’ai en effet, en 77/78, dirigé le Cabinet du Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre, en charge des rapatriés, Jacques Dominati. Et rédigeais pour lui un texte sur l’indemnisation des rapatriés que Jacques fit adopter. Le lien était rétabli avec la communauté pied-noir, la chaleur humaine et la sincérité des convictions de Jacques firent plus que l’agent jamais suffisant pour faire oublier une espérance perdue.

Je lui dois une part décisive de cet engagement et de ce succès parlementaire et je suis fier d’avoir été son ami durant ces quarante années de coopération jamais démentie. J’ai été adopté par la famille, que j’ai retrouvé de Forbach à Ajaccio, du Parlement au Gouvernement, des Ambassades à la Philosophie mais toujours avec le même bon sens joyeux et le courage dans l’expression des convictions.

La Corse m’a beaucoup appris. René Tomasini avant hier, Jacques Dominati si longtemps, François Léotard pour toujours, trois noms parmi tant d’autres. Pour le Lorrain introverti et bien trop théorique que j’étais, je leur dois le peu d’habileté et de savoir faire politique qui m’est reconnu.

Du plateau Lorrain à la baie d’Ajaccio, le même sens de la fidélité à la parole donnée.

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