19 avril, 2024

La République Française est laïque

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La République Française est laïque au moins depuis la loi de 1905. Mais la France est de culture chrétienne, évidence qu’il faut accepter et approfondir que l’on soit ou non croyant. Et c’est d’ailleurs parce qu’elle est de tradition chrétienne et plus encore catholique que la France peut être laïque.

La laïcité est une conséquence directe et certaine de la tradition Chrétienne. Le Christ nous rappelle que « son Royaume n’est pas de ce Monde », ce qui irrite et provoque l’Empereur Romain dont le pouvoir civil s’appuie sur la maîtrise d’un culte, le culte impérial. Peut-il y avoir deux royaumes ?  Pour le Christ, la réponse est oui, et il demande à ses disciples de séparer ce qui est à César de ce qui est à Dieu.

Autour de la Méditerranée et au cœur de l’Europe, les religions du « Livre » n’ont pas la même approche. Affaire difficile pour le Judaïsme mais qui se règle par l’absence de prosélytisme. Le Roi ne se confond pas avec les Grands Prêtres. La disparition du Royaume de Jérusalem laisse émerger des communautés qui se gèrent sans référence à un pouvoir unique au moins jusqu’en 1948. L’Etat d’Israël d’ailleurs ne se veut pas théocratique mais bien démocratique.

La France Catholique, pour parler d’elle, trouve un chemin original grâce à la sagesse politique des Capétiens qui ne seront ni ultramontains comme le furent parfois les empereurs du Saint-Empire Romain Germanique, ni vraiment gallicans, à l’encontre de l’Angleterre qui organise une religion nationale. Les communautés protestantes d’Europe et surtout d’Amérique adosseront les pouvoirs politiques à la Bible sur laquelle il convient de prêter serment.

En France, le roi est très « Chrétien ». La France se veut être la fille aînée de l’Eglise. Mais,  il importe que l’Eglise de Rome ne s’occupe pas d’elle. Les Rois y veillent. Napoléon, en séquestrant le Pape,  ira plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs Capétiens. Le Pouvoir rend hommage à l’Eglise à condition de ne pas en dépendre.

Aujourd’hui, la laïcité à la Française est donc autant la fille des Lumières du XVIIIème siècle, que l’héritière des légistes de Philippe Le Bel, des politiques de la Monarchie, des réalistes du Concordat de 1801. Certes, Louis XIV détonne avec sa révocation de l’Edit de Nantes. Mais sa décision est plus politique que religieuse. Le Roi combat les minorités politiques plus qu’il ne condamne une conviction.

Deux guerres au XXème siècle vont consacrer cette entente paradoxale du « Religieux » et du « Politique » dans notre pays. La Première Guerre Mondiale, dont nous commémorons le Centenaire, a préparé la réconciliation entre Rome et la France, entre la République et les Catholiques : à l’Eglise les femmes, les enfants et les vieux. A la République les hommes adultes, seuls électeurs.

Après la Seconde Guerre Mondiale, le vote des femmes, la démocratie chrétienne et son prolongement à la construction européenne, ont achevé ce syncrétisme si particulier, où la France est à la fois laïque tout en acceptant le passage par l’Eglise qui, s’il n’exprime plus une foi profonde et un engagement complet, est cependant un rendez-vous obligé pour bien des étapes de la vie publique.

Laïcité prudente, où l’on accepte volontiers la Religion dominante parce qu’elle reste dans l’ordre de l’intime ou qu’elle se rattache à des rites collectifs consacrés, baptêmes, mariages, deuils, commémorations.

L’histoire Chrétienne imprègne nos paysages et nos villes et de nos villages. L’idée Chrétienne et Catholique patronne au moins deux des trois éléments de notre devise nationale. Par exemple, la notion de Fraternité implique qu’il n’y ait, pour nous Français, qu’un seul Père. Idée toute Catholique. Pour sa part, l’Égalité peut être considérée comme celle des enfants de Dieu où la réussite individuelle terrestre n’est pas un signe de ce dernier mais un handicap pour accéder au Paradis. Référence au chameau et au chas de l’aiguille.

Dans la Sainte Trinité de notre devise, seule l’affirmation de la Liberté est le véritable enfant des Lumières. Imaginée au XVIIIème siècle, exaltée au XIXème, elle est cependant encadrée d’une façon croissante dès le milieu du XXème. La Liberté est laïque et individualiste, elle n’est donc pas aimée d’un pays aux fortes traditions communautaire; issues de notre tradition catholique et rurale.

Dernier venu et en force depuis trente ans, l’Islam, dans ce face à face, apparaît bien étrange et bien décalé. C’est une Religion qui, dans ses terres d’origines, aime à l’excès les rites qui encadrent la vie quotidienne et la confusion du Politique et du Religieux, du collectif et de l’individuel. Il nous paraît bien loin de notre compromis historique. Marginal il intriguait, désormais fortement minoritaire, il peut inquiéter. Tout a été si long pour arriver à la paix. Depuis le baptême de Clovis jusqu’à la loi de 1905, il nous aura fallu seulement quinze siècles pour vivre ensemble sereinement notre laïcité aujourd’hui , alors que la France n’a jamais été ni vraiment puritaine ni vraiment intégriste. Les Lumières au XVIIIème siècle sont nées d’une bourgeoisie émergente et d’une aristocratie rebelle.

Comment faire comprendre et partager aux derniers venus ce long cheminement d’un pays qui s’est constitué autour de la volonté politique et qui ne s’est jamais soumis à l’autorité religieuse ? Posons la question autrement : Peut-on être Musulman et Voltairien ? J’espère que oui et je souhaite que la violence de l’Islamisme radical ne soit qu’un feu de paille atroce mais passager, l’expression mondialisé d’une crise locale née au Proche Orient des séquelles tardives de la disparition de l’Empire Ottoman. Si tel n’était pas le cas, si une communauté voulait vivre selon les règles de sa foi plus que selon celles de la Loi, c’est notre bien commun, la France, qui volerait en éclats.

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