19 mars, 2024

Imposer le débat sur une faiblesse française.

De bon cœur, j’ai cosigné la tribune rédigée par mon collègue socialiste André Vallini. A la demande du Président Sarkozy et sous l’autorité d’Édouard Balladur, nous avions travaillé ensemble sur l’organisation des collectivités locales et je sais son sens des réalités. Personnellement, je n’aurais pas écrit exactement la même tribune. Mais il a le courage de poser ainsi la question de l’équilibre des pouvoirs constitutionnels depuis l’adoption du quinquennat et le calendrier des élections législatives, en 2002.

L’équilibre, imaginé à l’origine par Michel Debré, tenant d’un parlementarisme « rationalisé », puis accepté par le Général De Gaulle et le Comité Constitutionnel à l’été 1958, enfin ratifié par le référendum d’octobre de la même année, avait certes été modifié par l’élection au Suffrage Universel du Président, votée le 28 octobre 1962.

Mais cette constitution a manifesté souplesse et résistance. Les dissolutions, tout comme les cohabitations diverses (1986,-1988, 1993-1995, mais aussi de 1978 à 1981 entre UDF et RPR) n’ont jamais empêché la France d’être gouvernée. En pratique, les partis politiques se chargeaient principalement des législatives. Pour les Présidentielles, des personnalités plus indépendantes émergeaient. Au Centre, Lecanuet en 1965 ou Poher en 1969 n’avaient pas le soutien des partis principaux, pas plus que Valéry Giscard d’Estaing en 1974. A Gauche, Jean-Pierre Chevènement et naturellement Emmanuel Macron étaient tout aussi libres.

En cas de conflit ouvert entre les deux pouvoirs, les dissolutions permirent aux Présidents concernés d’en appeler aux électeurs : 1962, 1968, 1981 ou 1988.

De plus, le référendum, si le Président s’engage lui-même (1962 et 1969), participe à la solution du conflit.

En apparence, depuis 2002, tout est simple et cohérent, ni cohabitation, ni conflit : le Président élu pour cinq ans n’a plus à affronter le risque législatif. Les partis n’ont plus la charge de préparer et de remporter les élections, comme par exemple en 1967, 1973, 1978, 1986 ou 1993. Depuis 2002, ils se contentent de s’aligner sur le résultat présidentiel. Leur seul choix est de soutenir ou de combattre des projets dont ils prennent connaissance souvent par la presse ou par le net. C’est le degré zéro de la démocratie parlementaire. Et s’il y avait encore le moindre doute, les initiatives récentes de l’Exécutif de « nommer les représentants du peuple » par tirage au sort ou d’introduire, entre le texte de l’Assemblée Nationale et la saisine du Sénat, une commission d’experts choisis par le Pouvoir, balayent les dernières illusions.

Le système est préoccupant : plus de 40 millions d’électeurs et un seul Président. C’est simple, mais cela ne marche plus vraiment. La France manque de médiation. Le Parlement ne joue plus ce rôle et c’est une France désordonnée qui se fait entendre par toutes sortes de voies, des gilets jaunes aux bonnets rouges, des sondages aux réseaux sociaux.

Pour rétablir cette médiation, il faut dissocier l’Exécutif et le Législatif. Il n’y a, en effet, que deux solutions, faute de revenir au septennat, soit ramener à quatre années le mandat législatif, soit introduire une large proportionnelle. Ce scrutin ayant le mérite de restituer la diversité française, et donc le devoir d’en tenir compte. Car il faut toujours trouver une synthèse. C’est le rôle du Premier Ministre : être celui qui fait fonctionner une majorité sous le regard attentif du Président, fort de son pouvoir institutionnel mais tenu de respecter l’opinion de tous les Français, qui ne se limite pas à ses seuls partisans du premier tour de la Présidentielle.

Ouvrir ce débat a le mérite d’éclairer l’opinion française sur les faiblesses d’un régime politique en apparence fort qui s’épuise cependant dans l’action faute de s’appuyer sur l’interlocuteur responsable des démocraties modernes : un Parlement autonome, loyal à ses électeurs sans être dépendant de l’exécutif. Or, le mode de scrutin est structurant de cette relation.

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