5 décembre, 2024

Questions au Gouvernement du 12 décembre 2013

Sur la question de l’Ukraine :

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publiée dans le JO Sénat du 13/12/2013

Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères ; il est absent en cet instant, mais je suis persuadé que nous recevrons malgré tout une réponse.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque la France est engagée à l’étranger, l’opposition en général, et l’UMP en particulier, s’efforcent de soutenir son autorité et considèrent que les divisions partisanes, certes légitimes, ne doivent en aucun cas l’emporter. C’est une attitude dont nous ne nous démarquerons pas.

Nous avons soutenu l’intervention au Mali. Nous soutenons pour l’instant l’intervention en République centrafricaine. Au nom de l’autorité de la France, nous avions émis des doutes sur les déclarations du Président de la République concernant la Syrie ; je dois constater que ces doutes étaient fondés, comme il l’a lui-même reconnu peu après.

Ma question concerne l’Ukraine. Nous souhaitons, non pas faire le procès de ce pays, qui est, hélas, connu pour ses excès et ses échecs, mais connaître l’attitude du Président de la République et celle du Gouvernement au regard d’une crise qui concerne toute l’Europe, notamment ses relations avec ce grand voisin, qui a parfois été notre grand allié et parfois, à l’inverse, une grande menace – au temps de l’Union soviétique –, je veux parler de la Russie.

Manifestement, dans la crise ukrainienne, un choix s’impose. Quelle est la volonté du Gouvernement français et du Président de la République de peser dans cette crise ?

M. Alain Gournac. Il n’a aucune volonté !

M. Gérard Longuet. Ma question est triple : aurons-nous la clarté de Mme Merkel et de sa majorité pour manifester aux côtés des partisans ukrainiens de l’Europe, ou nous contenterons-nous d’inviter M. Vitali Klitschko à venir déjeuner à Paris, ce qui est d’ailleurs un geste élégant, mais insuffisant ?

Ma deuxième question a trait à la demande même présentée par le gouvernement de Kiev lors du sommet de Vilnius, le 29 novembre dernier. S’agit-il pour vous d’un chantage absolu, traduisant une volonté d’une rupture, ou au contraire d’un appel lancé par un pays en désarroi ?

Ma troisième et dernière question est la suivante : monsieur le ministre, quelle est, en définitive, votre politique vis-à-vis de la Russie ? Nous commémorerons l’an prochain le centenaire de la Première Guerre mondiale. L’alliance franco-russe reste, aujourd’hui, un facteur de stabilité en Europe. Quel jugement la France porte-t-elle sur le droit de la Russie à s’organiser au côté de l’Europe ? Et peut-elle s’organiser avec celle-ci en évitant tout conflit inutile ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

Réponse du Ministère chargé des affaires européennes
publiée dans le JO Sénat du 13/12/2013

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur Longuet, je vous remercie de votre question, qui me permet d’évoquer le déplacement que j’ai effectué à Kiev il y a quelques jours, le 5 décembre dernier. Je me suis notamment rendu place de l’Indépendance pour discuter avec les manifestants, avant de rencontrer l’ensemble des représentants de l’opposition et la famille de Mme Timochenko.
Les manifestations qui se succèdent quotidiennement à Kiev depuis plus d’une dizaine de jours appellent, de la part de la France, trois mots d’ordre que je veux énumérer avec précision.
Le premier mot d’ordre, c’est l’appel à la non-violence. Plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent jour et nuit dans la capitale ukrainienne, dans un climat de tension. De nombreux blessés sont à déplorer, y compris d’ailleurs parmi les journalistes qui couvrent ces événements.
Au cours des derniers jours, les forces de l’ordre ont tenté des opérations d’évacuation, même si la nuit dernière a été plus calme. Cela étant, la France appelle au respect du droit de manifester et à la plus grande retenue. Nous le disons aux autorités gouvernementales : rien ne sera possible si la paix civile n’est pas assurée. Les revendications s’expriment de manière pacifique, je peux en témoigner. Elles doivent, partant, être traitées pacifiquement.
Le deuxième mot d’ordre, c’est la nécessaire reprise du dialogue. D’une part, le président Ianoukovitch accepte le principe d’une conciliation, de l’autre, il déploie les forces de l’ordre dans le centre-ville,…
M. Alain Gournac. Ah !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. … et refuse de dialoguer avec l’opposition.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons tous nous accorder sur ce point : il faut que le dialogue soit renoué entre le gouvernement ukrainien et les opposants qui s’expriment dans la rue. Tel était d’ailleurs l’objet de l’échange qui a eu lieu hier entre MM. Fabius et Klitschko, lequel doit, lui aussi, être respecté et écouté, en tant que porte-parole des revendications du peuple ukrainien.
Le troisième et dernier mot d’ordre, c’est la volonté d’ouverture de l’Union européenne vers l’Ukraine, qui reste intacte. Nous demeurons favorables à l’accord d’association avec Kiev. Le Président de la République lui-même l’a dit à Vilnius à l’occasion du sommet du partenariat oriental.
Toutefois, l’Europe n’agit pas en marchand de tapis, choisissant ses alliances selon ce que peut offrir ou non telle ou telle puissance. L’Ukraine n’est pas à acheter, comme l’Europe n’est pas à vendre ! Du reste, à nos yeux, il n’y a pas d’antagonisme entre la recherche d’un accord d’association avec l’Europe et la proximité avec la Russie. C’est le message que nous avons transmis à la partie ukrainienne. C’est la mission qui a été confiée à Mme Asthon au nom de l’Union européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, non-violence, dialogue et maintien de l’ouverture européenne : tel est le résumé de notre politique. Et c’est au peuple ukrainien, dont le droit à manifester doit être pleinement respecté, de dire pacifiquement quelle est sa propre position ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)